[Opinion] L’abus spirituel : La fine frontière entre autorité et emprise

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« Dieu a un royaume et non une démocratie ! » Avez-vous déjà entendu cette phrase dans une église ou de la bouche d’un responsable spirituel cherchant une justification à ses décisions ?

Entre autorité et emprise, la frontière est fine…

Il y a quelque temps, Louise a suggéré à un responsable de son église qu’il change la marque de café utilisée pour accueillir les visiteurs à l’entrée.

— ”Comment ça tu trouves le goût de ce café mauvais ? La Bible dit que “la mort et la vie sont au pouvoir de la langue”. (Proverbes 18v21) Tu n’as pas honte de critiquer la maison de Dieu  ?!” lui a-t-on répondu.

Elle avait pourtant usé de tact pour faire sa proposition… Mais en guise de soumission et de démarche d’humilité, elle a dû demander pardon à chacun des dix membres de l’équipe d’accueil pour son esprit critique, et servir le café les semaines suivantes.

Ça paraît fou et pourtant ce phénomène existe dans de nombreux milieux d’église. Cette histoire met en lumière ce qu’on appelle l’abus spirituel.

Tout dans l’Eglise, rien contre l’Eglise, rien en dehors de l’Eglise

Que se passe-t-il quand on reprend le Discours à la Chambre des députés de Benito Mussolini - fondateur du fascisme - et que nous remplaçons le mot “Etat” par “Eglise” ? Eh bien ça donne des sueurs froides !

“Tout dans l’Etat, rien contre l’Etat, rien en dehors de l’Etat” devient “Tout dans l’Eglise, rien contre l’Eglise, rien en dehors de l’Eglise”.

C’est ce que Frida a pu expérimenter. Alors qu’elle devait participer à un cours biblique en préparation de son baptême, elle a manqué une session. Et voici l’échange qu’elle a retrouvé dans sa messagerie :

— Hello, je peux pas venir ce matin, je suis à l’hôpital, tu peux prévenir pour moi  ?
— Ok, je transmets à Nadine. Qu’est-ce qui t’arrive  ?
— C’est mon frère, il a eu un accident. La voiture a pris feu, on a cru qu’il allait mourir. Son pronostic vital n’est plus engagé, mais c’est pas beau à voir…
— Wow on va prier pour lui  !
— Merci.
— Nadine me dit de te dire de « Faire de l’Eternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire. » (Psaume 37v4)
— C’est-à-dire  ?
— Elle veut que tu viennes... Toi tu t’occupes de Dieu et Dieu s’occupe de ton frère.
— Je vais pas partir là, en plus le temps d’arriver j’aurai loupé la moitié du cours biblique…
— Bonjour Frida, c’est Nadine. Viens et ne sois pas rebelle. “Car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles” (1 Jean 5v3). Tu ne pourras pas te faire baptiser si tu n’as pas suivi tous les cours.

Frida n’a pas répondu et elle est restée à l’hôpital, confuse. Après quelques jours de réflexion, elle a décidé de ne plus fréquenter cette église. Elle ne se fera pas baptiser, elle ne retournera même plus dans aucune église…

Quel gâchis ! Nous pouvons faire mieux.

À quel moment avons-nous oublié que la foi chrétienne était avant tout une histoire d’amour ? Certainement au moment où nous avons confondu “relation” et “religion”.

Être un responsable spirituel confère une grande influence et c’est faire preuve de maturité que d’accompagner chacun à être autonome pour faire la part des choses entre l’enseignant et les enseignements.
Toute spiritualité qui ignore le filtre humain est potentiellement dangereuse. Car pasteur, prêtre, chantre ou enfant de chœur, nous sommes TOUS des êtres imparfaits et en constant changement (de progression ou de régression).

Suivre Jésus et fréquenter une église ou participer à une réunion, quelle que soit sa dénomination, devraient toujours être l’expression d’un choix libre et conscient, sans contrainte et sans peur de jugement ou de représailles.

La véritable foi libère, toujours.

Dans son ouvrage  « Et si c’était un abus spirituel ? » , Cindy Ghys écrit que les études scientifiques en neuroscience et psychologie sont unanimes : en plaçant au centre de votre foi des termes comme « sacrifice », « soumission » et « engagement », sans en placer d’autres comme « la joie », « le sens », et « la grâce », cela ne peut que vous mener à l’épuisement, la maladie et le burn-out.

Ceux qui gouvernent, protègent, accompagnent et guident dans la sphère spirituelle sont, comme chaque être humain, traversés par des peurs, des angoisses, des fêlures, des frustrations et des déceptions. Leurs paroles et leurs interprétations ne sont pas infaillibles.

Afin de venir en aide d’une part aux membres d’église et d’autre part aux responsables qui ne souhaitent pas se transformer en gourous, la rédaction vous conseille les guides de Jacques POUJOL et l’ouvrage de Cindy GHYS qui a la particularité de mettre en scène de nombreux témoignages authentiques tels que ceux de Louise et Frida.

Nous vous offrons ici un extrait du livre de Cindy Ghys « Et si c’était un abus spirituel ».

Pascal Portoukalian


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